Un univers parallèle avec ses propres règles, ses rituels, et ses petits pièges pour les non-initiés.
Mais pas de panique : voici un guide de survie pour naviguer en toute sérénité dans une milonga (soirée où l’on danse le tango argentin) !
Dans une soirée tango, on ne s’approche pas de quelqu’un en disant « On danse ? » comme dans la plupart des autres soirées dansantes.
Non, on s’invite avec le regard. Ce rituel sacré s’appelle la mirada (le regard) et le cabeceo (le petit signe de tête en réponse).
L’idée, c’est de se chercher du regard à distance. Si les regards se croisent, se soutiennent, et qu’un discret hochement de tête est échangé, cela signifie que vous avez un(e) partenaire pour une tanda (3 ou 4 morceaux consécutifs d’un même orchestre) jusqu’à la prochaine cortina (petite pause musicale très distincte du style tango, qui indique aux danseurs de quitter la piste et/ou de changer de partenaire).
Mais attention aux malentendus !
Un simple bonjour un peu trop appuyé peut être pris pour une mirada, et hop, vous voilà embarqué(e) pour quatre danses avec quelqu’un que vous vouliez juste saluer poliment.
Résultat ? Certain(e)s évitent de dire bonjour, par peur d’envoyer le mauvais message !
Mais ne vous inquiétez pas, vous apprendrez vite l’art subtil de l’évitement visuel stratégique…
Et pendant cette tanda, ce qui va déterminer votre danse, c’est la qualité de votre abrazo (câlin).
Ce n’est pas juste une posture, c’est l’étreinte du tango, ce fameux câlin dansé qui fait toute la magie de cette danse.
Il peut être fermé (proche, fusionnel), ouvert (plus aéré, pratique pour les grandes figures et les jours de canicule), ou entre les deux.
Ce qui compte, c’est le confort et le respect mutuel.
Une tanda, c’est une série de plusieurs morceaux du même style musical (4 quand il s’agit de tango, 3 quand il s’agit de vals ou de milonga).
Donc quand vous acceptez une tanda, vous vous engagez non pas pour une… mais trois ou quatre danses, sans option d’échappatoire !
Car vous l’avez compris, on ne change pas de partenaire en cours de tanda (sauf cas de force majeure ou… de grande divergence).
Schéma classique (le plus courant) :
• 3 tandas de tango
• 1 tanda de vals (danse plus tourbillonnante)
• 2 tandas de tango
• 1 tanda de milonga (danse plus rythmée et joyeuse)
Puis on recommence le cycle.
Entre deux tandas, il y a une cortina (un court morceau non dansant, souvent de la variété, des tubes, du rock, de la salsa, ou autre surprise musicale).
C’est le signal sonore universel pour se remercier et quitter la piste.
Pour certains, c’est la fin d’un moment de grâce. Pour d’autres, une délivrance inespérée...
Dans une milonga, la piste a son sens de circulation : toujours dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, comme sur un circuit.
Pas de contre-sens, pas de zigzag, pas de demi-tour spectaculaire.
Les leaders doivent donc maîtriser la circulation. Sinon, c’est la collision assurée…
Mais n’ayez crainte, en cas de carambolage, la politesse est toujours de mise.
Généralement, les femmes followers dansent avec des talons hauts et aiguilles.
Au fil des danses, la plante des pieds sur-sollicitée chauffe et réclame ses chaussons. Cela demande une certaine logistique.
Je vous confierai toutes mes petites astuces pour profiter jusqu’à la dernière tanda.
• Le tango se danse en silence (enfin presque : chuchoter “pardon” si on bouscule quelqu’un est bienvenu).
Les grandes discussions sur la météo, le nouveau resto bio ou votre dernière séance PSYCH-K®, attendront la cortina !
• La distancia de respeto est sacrée : on garde une bonne distance avec le couple devant nous (rappelez-vous, c’est comme sur l’autoroute !)
• On ne traverse pas la piste en slalomant entre les danseurs qui sont en mouvement.
On emprunte les bords, c’est plus sûr !
Imaginez :
Un échange de mirada, et vous voilà en train de danser avec un inconnu, ou avec un de vos partenaires préférés…
Tout est merveilleux, fluide... Vous vivez un moment suspendu,
sauf que dès que vous quittez la piste, c’est le grand vide, genre silence gênant, et vous frôlez la catastrophe diplomatique…
Parfois, c’est la réalité cruelle du tango qui frappe à l’inverse :
vous êtes complices en dehors de la piste, vous riez, discutez, tout est fluide, facile et parfait...
Mais sur la piste, c’est le drame. Vous tentez une première figure et tout part en vrille…
Dans les deux cas, vous venez juste de découvrir ce qui nous amuse beaucoup, et qu’on nomme communément… la désillusion du tango.
Bienvenue dans la danse !
Et puis, il y a aussi ce(tte) partenaire à qui on a signé oui, mais à qui on voulait dire non,
qui nous surprend, avec qui on vit un moment complice et féerique — sur la piste et en dehors !
Le tango, c’est ça : un univers à part.
La magie peut être aussi fugace qu’absente… ou inattendue.
• Tanguera / Tanguero : respectivement, une danseuse et un danseur de tango
• Milonga : la soirée tango… ou une danse festive rapide au style musical très rythmique
• Mirada / Cabeceo : échange de regards / signe de tête pour s’inviter
• Abrazo : l’étreinte du tango
• Tanda : série de danses du même orchestre, de la même période, avec la même personne
• Cortina : musique-pause entre deux tandas
• Follower : celui/celle qui suit (mais pas passivement, surtout aujourd’hui)
• Leader : celui/celle qui propose (et pas qui impose)
Maintenant que ce ballet de codes n’a plus aucun secret pour vous…
Vous me rejoignez ?